Phosphore: bilan de phosphore et teneur en phosphore des sols
Le phosphore (P), qui circule en grandes quantités dans la production végétale et animale, est un nutriment essentiel pour les plantes et les animaux. Les animaux éliminent le phosphore excédentaire dans les fèces et l’urine, épandus sur les champs. En production végétale, le phosphore est ainsi dispersé par les engrais (de ferme ou minéraux) et la partie excédentaire s’accumule en grande partie dans le sol.
Le phosphore du sol ou provenant des engrais peut cependant se retrouver dans les eaux de surface, s’il est entraîné avec la terre végétale ou s’il est lessivé vers les eaux souterraines ou les drainages. Dans les lacs de petite et moyenne taille, cela peut entraîner des problèmes environnementaux (eutrophisation), car le phosphore favorise fortement la croissance des algues à la surface de l’eau. Lorsque les algues meurent, elles sont décomposées au fond du lac par des bactéries aérobies, ce qui augmente leur consommation en oxygène. S’il n’y plus assez d’oxygène, ce sont des bactéries anaérobies qui prennent le relais. Celles-ci produisent des substances réduites, parfois toxiques, telles que le sulfure d’hydrogène, l’ammoniac et le méthane. Le manque d’oxygène et les produits toxiques peuvent entraîner une mortalité des poissons. Mais ce n’est pas seulement l’eutrophisation qui doit inciter à la prudence dans l’utilisation du phosphore: en effet, contrairement à l’azote, le phosphore est une ressource non renouvelable. De plus, les engrais minéraux phosphorés contiennent souvent des substances toxiques, telles que l’uranium ou le cadmium.
Bilan de phosphore
Le bilan de phosphore est calculé selon la méthode de l’OCDE, sur la base des données d’exploitation du DC-IAE. Un bilan négatif (entrées < sorties) peut inhiber la croissance des plantes, alors qu’un bilan positif (entrées > sorties) peut conduire à une eutrophisation. Le bilan de phosphore devrait donc être aussi équilibré que possible, afin de garantir un approvisionnement en phosphore suffisant pour les plantes, tout en évitant un surplus de phosphore dans l’environnement.
La période de référence pour le calcul du bilan du phosphore est généralement l’année de culture: elle commence après la récolte de la dernière culture principale et s’achève avec celle de la culture principale actuelle. Dans le bilan de phosphore, les entrées sont représentées par les engrais de ferme (lisier, fumier), les engrais minéraux, les engrais de recyclage (compost, digestat), les semences et les retombées atmosphériques. Pour les retombées atmosphériques, on suppose une valeur représentative pour la Suisse. Au niveau des sorties, on prend en compte les denrées alimentaires d’origine végétale produites dans l’exploitation (p. ex. céréales panifiables, pommes de terre de consommation) et les fourrages (p. ex. herbe, foin, céréales fourragères) ainsi que la paille exportée du champ.
Teneur en phosphore du sol
La teneur en phosphore disponible pour les plantes dans le sol est estimée de manière analytique au moyen de trois méthodes d’extraction: les méthodes H2O-CO2 et H2O10 permettent de définir la fraction de phosphore facilement disponible pour les plantes dans le sol, tandis que la méthode AAE10 définit la fraction de réserve. La méthode H2O-CO2 est généralement appliquée aux grandes cultures et aux herbages, la méthode H2O10 aux cultures maraîchères et fruitières ainsi qu’à la vigne. La teneur en phosphore du sol est déterminée tous les dix ans, à l’échelle de la parcelle, dans le cadre des prestations écologiques requises. Non seulement les valeurs recueillies auprès des quelque 300 exploitations participant au DC-IAE, mais également toutes les données mesurées en Suisse sont utilisées pour calculer l’indicateur, afin d’en augmenter la représentativité pour la pratique agricole.
Les valeurs H2O-CO2, H2O10 et AAE10 fournissent des informations sur la quantité de phosphore extractible. Leur moyenne est calculée pour diverses classes d’agrégation (p. ex. pour l’ensemble de la Suisse, les cantons, les régions paysagères, les types d’utilisation) afin d’en suivre l’évolution à long terme. Ces valeurs sont en outre interprétées selon les Principes de la fertilisation des cultures agricoles en Suisse (PRIF 2017) et sont réparties en cinq classes en fonction de leur approvisionnement en phosphore, allant de A (pauvre) à E (très riche). L’interprétation dépend non seulement de la teneur en phosphore (mg/kg), mais également des propriétés du sol, texture, pH, et carbone organique du sol. La proportion de parcelles par classe d’approvisionnement est également calculée pour différentes classes d’agrégation.
On peut supposer que le risque environnemental lié au phosphore présent dans le sol est faible si le plus grand nombre possible de parcelles disposent d’un approvisionnement en phosphore suffisant (classes d’approvisionnement A, B et C). Un sol ayant un apport suffisant en phosphore peut couvrir à court terme les besoins en phosphore des cultures moyennement sensibles au phosphore, même sans fertilisation. Pour assurer la performance de production de ces sols à moyen terme, une fertilisation d’entretien est nécessaire. Le phosphore disponible dans le sol est donc largement absorbé par les plantes, ce qui signifie que le risque de rejet de phosphore dans d’autres compartiments environnementaux peut être considéré comme faible. D’autre part, un apport de phosphore au sol qui dépasse largement les besoins en phosphore de la plupart des cultures (classes d’apport D et E) indique un risque accru de transfert du phosphore du système agricole vers les eaux souterraines et de surface.
Caractéristiques et analyses des sols.
Flisch, R., Neuweiler, R., Kuster, T., Oberholzer, H., Huguenin-Elie, O., Richner, W., 2017. 2/ In: Richner, W., Sinaj, S. (Eds.), Principes de la fertilisation des cultures agricoles en Suisse (PRIF 2017). Recherche agronomique Suisse. Agroscope: