Comment freiner les envies de fruits d’une mouche?

Les spécialistes des insectes Stefan Kuske et Laura Kaiser examinent le piège contre la drosophile du cerisier.

Elle ne mesure que trois millimètres, mais presqu’aucun fruit ne peut lui résister: les larves de la drosophile du cerisier Drosophila suzukii sont friandes de baies, de fruits à noyaux et même de raisins. En 2014, cette petite mouche a causé des pertes économiques parfois importantes en Suisse. Outre diverses cultures de baies, elle a attaqué pour la première fois les cerises, les abricots, les prunes, les pruneaux et les raisins.

Quelle a été la cause de la multiplication en masse de la drosophile du cerisier en 2014? La réponse est : des conditions météorologiques favorables. L’hiver doux a été suivi par des mois chauds et humides; le ravageur importé d’Asie s’est donc senti comme chez lui. Dans les pièges servant à l’observation, les experts d’Agroscope ont attrapé environ dix fois plus de mouches que les années précédentes.

Fruits à noyaux: des dégâts jamais vus auparavant

Comme le printemps a démarré tôt en 2014, la mouche a rapidement bénéficié de conditions idéales. Elle a utilisé les variétés précoces de cerises pour se multiplier en grand nombre. La population croissante a eu ensuite besoin d’encore davantage de fruits pour pondre ses œufs. C’est pourquoi la pression d’infection n’a cessé d’augmenter durant la saison. Par conséquent, dans les variétés de cerises et de pruneaux à maturité tardive, la totalité de la récolte a parfois été perdue. Outre les cerises et les pruneaux, les pêches, les abricots et d’autres espèces de fruits sauvages ont également été attaquées. Les cultures hautes tiges, les prés-vergers et les exploitations de commercialisation directe ont été les plus touchées.

Baies: la stratégie Agroscope porte ses fruits

Les baies sont les cultures les plus menacées. Du fait des pertes des années précédentes, la plupart des producteurs et productrices de baies étaient avertis et ont appliqué la stratégie de protection phytosanitaire d’Agroscope. Les dommages sont donc restés dans des limites raisonnables dans les cultures de baies en 2014. Mais lorsque les méthodes recommandées n’étaient pas appliquées ou trop tard, les pertes de récolte ont été considérables.

Raisins: pourriture acétique ou mouche?

L’été humide a non seulement favorisé le développement de la drosophile du cerisier, mais aussi les maladies fongiques et l’éclatement des raisins. De telles conditions ont stimulé la pourriture acétique – dans des proportions inconnues depuis des années. En 2014, cette maladie a détruit jusqu’à 10 % de la récolte suisse au total. A posteriori on peut donc dire que, pour une partie des dégâts, la mouche a été soupçonnée à tort.

C’est un bon début

Pour mettre sur pied une stratégie de lutte efficace, il faut connaître la biologie et les méthodes de propagation du ravageur. Depuis 2011, Agroscope a mis en place, avec l’aide des cantons, une surveillance nationale (monitoring) à l’aide de pièges. L’ensemble des activités de recherche et de conseil s’applique à toutes les cultures et à tout le territoire. Elles ont lieu en échange permanent avec d’autres experts. Les producteurs et les productrices ont également été impliqués dans le projet pour développer la surveillance et les stratégies de lutte.

Recherche de stratégies à tous les niveaux

L’année 2014 a malheureusement montré que lorsque la pression d’infection est élevée, il est très difficile de protéger les cultures menacées contre la drosophile du cerisier. C’est pourquoi Agroscope a mis sur pied une «Task Force» en collaboration avec l’Institut de recherche de l’agriculture biologique FiBL. Son objectif est de développer de nouvelles approches de lutte dans les cultures de fruits à noyaux, de baies et dans les vignes en faisant appel à tous les acteurs de la pratique, du commerce, du conseil, de l’exécution et de la recherche. Agroscope teste l’efficacité de mesures préventives, ainsi que l’effet des filets protecteurs et d’autres barrières artificielles. La chaux éteinte et d’autres poudres de pierre sont à l’étude, car on suppose que ces produits peuvent endiguer la ponte des œufs. Enfin, les méthodes de capture de masse dans les cultures de baies ont été optimisées et les chercheurs étudient si cette technique peut être utile pour les fruits à noyaux et les raisins. D’autres pistes consistent à tester l’efficacité des appâts dont le but est d’inciter le ravageur à consommer des insecticides de manière ciblée en l’attirant à l’aide d’une substance spéciale. A long terme, Agroscope souhaite également augmenter l’influence des antagonistes naturels comme les petites guêpes parasitoïdes. Toutes ces mesures ont pour but d’aider, en collaboration avec le milieu agricole, à améliorer les stratégies de lutte actuelles et à trouver de nouvelles méthodes plus durables pour freiner l’appétit de fruits de la drosophile du cerisier.

Une mouche de cerisier Drosophila suzukii pond un oeuf

Plus d'informations

Photos

Femelle et mâle adultes de la drosophile du cerisier (reconnaissables à leurs ailes tachetées) sur l’un de leurs fruits préférés, la fraise.
Larves de la drosophile du cerisier dans un grain de raisin.
Les cerises attaquées par la drosophile du cerisier ne peuvent plus être commercialisées.
Conduits respiratoires de larves séjournant sur un grain de raison.