Le réseau ferroviaire suisse s'étend sur environ 5300 kilomètres et compte parmi les réseaux les plus denses au monde. Chaque jour, ce ne sont pas moins de 1,2 million de passagers et 1 million de tonnes de marchandises qui sont transportés par le train. Les exigences en matière de sécurité et de fonctionnement de l'infrastructure ferroviaire sont énormes, compte tenu de la densité de l'horaire et présupposent des normes élevées et des contrôles réguliers. Jusqu'à récemment, la plupart des voies ferrées étaient donc maintenues exemptes de toute végétation sur l’ensemble du réseau suisse grâce à des applications ciblées d'herbicides. Les préoccupations environnementales émergentes et en particulier les discussions sur les risques environnementaux et sanitaires de la substance active des herbicides utilisés, le «glyphosate», ont conduit les exploitants ferroviaires à adapter leurs pratiques. Les Chemins de Fer Fédéraux (CFF), la plus grande entreprise ferroviaire de Suisse, ont donc décidé de réduire la quantité d'herbicides utilisée grâce à une application différenciée par plante et, avec un plan d'action «NoHerbie – Alternatives aux herbicides», de mettre en place des mesures technico-structurelles et thermo-mécaniques permettant de renoncer aux herbicides chimiques de synthèse. En collaboration avec la Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève (Hepia), Agroscope a étudié dans le cadre du projet « Tapis vert » (2018-2024) dans quelle mesure la végétalisation ciblée des banquettes et des abords de voies pouvait remplacer les herbicides chimiques comme le glyphosate. L'objectif était d'implanter une couverture végétale qui évince les plantes problématiques, garantit la sécurité de l'infrastructure ferroviaire et favorise la biodiversité. Cinq mélanges de graines de plantes différents ont été testés sur six sites d’essai (des banquettes et des entre-voies) en Suisse et en France ainsi que sur un toit plat. Les mélanges ont été semés sur différents supports en gravier. L'essai a permis de montrer quelles espèces ou quels mélanges se prêtent le mieux à la végétalisation des entre-voies et des abords de voies. La teneur en matière organique, qui ne s'accumule que lentement au fil des ans sur les sols recouverts de gravier très pauvres, est importante pour la réussite de l'implantation. Deux mélanges, un mélange polyvalent (TV2) et un mélange rudéral (RR), ont atteint après cinq ans, sur un substrat de sol approprié, une couverture moyenne du sol de plus de 70% avec des espèces semées et spontanées. Les mélanges permettent d'augmenter la diversité des espèces de cinq espèces en moyenne. Le taux de couverture par des plantes problématiques est resté faible pendant la période d'essai. Il dépend fortement de l'environnement - des espèces grimpantes provenant des talus situés à proximité et des espèces dispersées par le vent ont notamment pu s'implanter. Les espèces présentes dans les mélanges utilisés ont satisfait aux exigences en matière de sécurité. Un « tapis vert » en bordure de voie peut certes être mis en place avec succès, mais il ne réduira guère les frais d'entretien. La végétalisation des abords de voies est une alternative réaliste à l'utilisation d'herbicides. Les résultats obtenus constituent une base pour mettre en place des alternatives plus écologiques dans l'entretien des voies ferrées, mais ils nécessitent une optimisation à long terme et entraîneront également des coûts d'entretien. Les approches futures pourraient inclure la combinaison de stratégies à la fois mécaniques, chimiques et biologiques afin d'atteindre une durabilité optimale.