Les antibiotiques perdent de plus en plus leur effet médicinal. Ceci, en raison de l’augmentation du nombre de bactéries résistantes aux antibiotiques que l’on trouve non seulement sur l’homme et l’animal, mais aussi sur des denrées alimentaires. Agroscope étudie comment des résistances aux antibiotiques peuvent se transmettre à des denrées alimentaires d’origine végétale.
Pour les denrées alimentaires d’origine végétale comme les salades fraîches, les risques sont multiples d’être souillées par des germes indésirables au cours de la production. Des bactéries peuvent par exemple parvenir sur les plantes au travers d’engrais organiques, du sol, d’animaux ou de l’eau d’irrigation. Lors de la consommation de produits frais crus, les consommateurs-trices ingèrent une quantité de bactéries. La plupart sont sans danger voire utiles pour l’homme. D’autres sont cependant indésirables comme par exemple les salmonelles pathogènes, les EHEC et les listérias ainsi que les bactéries résistantes aux antibiotiques.
Dans l’environnement, on trouve des bactéries résistantes aux antibiotiques présentes de manière naturelle. Cependant, leur nombre a augmenté au cours des dernières décennies en raison de l’utilisation clinique accrue d’antibiotiques. On trouve de plus en plus dans l’environnement des bactéries multirésistantes, qui sont insensibles à trois ou davantage de classes d’antibiotiques.
Focalisation sur l’irrigation
Dans le cadre du programme de recherche d’Agroscope REDYMO, on examine pour cette raison comment des bactéries résistantes aux antibiotiques parviennent dans les plants de salade. Les bactéries intestinales E. coli et les entérocoques, qui servent d’indicateurs pour les fèces, font en particulier l’objet de recherche. Une attention toute particulière est accordée à l’eau d’irrigation. Après le prélèvement d’échantillons de plantes et d’eau d’irrigation, des bactéries résistantes sont cultivées en laboratoire sur des milieux nutritifs contenant divers antibiotiques. Ensuite, les résistances des bactéries isolées sont déterminées pour 32 antibiotiques importants du point de vue clinique. On a déjà pu identifier de cette manière des E. coli multirésistantes.
Le soupçon se confirme
Afin de clarifier si l’eau d’irrigation contribue à la présence de bactéries intestinales résistantes sur les plantes, des isolats de bactéries issus d’échantillons d’eau et de plantes présentant le même modèle de résistance ont été examinés par analyse génétique avec le Multi Locus Sequence Typing (MLST). Cette méthode est utilisée pour déterminer l’origine des bactéries par exemple dans le cas d’un foyer de toxi-infection alimentaire afin de trouver l’aliment responsable. Ces analyses ont montré que l’eau d’irrigation constitue une source de contamination pour des E. coli résistantes aux antibiotiques sur des plantes.
Mesures de prévention
Des experts d’Agroscope mènent cette étude en collaboration avec la branche, des services spécialisés et des exploitations. La présence de E. coli et d’entérocoques dans l’eau d’irrigation est analysée dans différentes zones de culture de Suisse ainsi que sur les plants de salade, de la culture jusqu’au produit récolté, et les salades à couper transformées. Pour la pratique de la culture maraîchère, des mesures pour prévenir les contaminations des salades fraîches et à couper ont été réunies dans une fiche technique Agroscope qui sortira en 2017.
La recherche va plus loin
Des études plus approfondies doivent être lancées dans le cadre de la Stratégie Antibiorésistance Suisse (StAR) et du programme de recherche national «La résistance aux antimicrobiens» (PNR72) financé par le Fonds national suisse. L’objectif recherché est le suivant: examiner d’autres sources de contamination comme le sol ou des engrais organiques utilisés dans le domaine agricole.
Dès début 2017, des spécialistes d’Agroscope étudieront quelles résistances et bactéries issues du sol, de l’eau ou des engrais sont transmises aux plants de salade jusqu’à la récolte, dans quelle mesure, quelles résistances survivent et parviennent jusqu’à l’homme. Sur cette base, il s’agit de développer des recommandations pour la pratique agricole, pour des programmes de monitoring et des directives administratives. Agroscope souhaite contribuer de cette manière à réduire les résistances aux antibiotiques dans l’environnement et l’agriculture ainsi que la transmission à la chaîne alimentaire.